Table of Content

Le Jardin des Délices de Jérôme Bosch : Chef-d'œuvre au musée du Prado

C'est dans le prestigieux musée madrilène du Prado qu'est conservée la magistrale et extravagante composition de Bosch. Nous ne connaissons pas plus la date exacte de son exécution même si tout laisse à penser qu'elle remonte aux premières années du 16e siècle. Après plus de quatre siècles d'incertitude c'est seulement en 1914 que l'usage a fini par imposer précédé par de très nombreuses variantes l'intitulé le jardin des délices.

Le Jardin des Délices de Jérôme Bosch : Chef-d'œuvre au musée du Prado

Le mystère des volets extérieurs du triptyque

Le premier mystère de cette oeuvre extraordinaire est à découvrir dans ces volets extérieurs qui n'apparaissent qu'en cas de fermeture du triptyque. Se dévoilent au premier regard et en grisaille une étrange création du monde qui figure parmi les tout premiers paysages purs de la peinture européenne. Dieu y est minuscule presque invisible et déjà le mal se signale partout par des traces maléfiques des bourgeonnements inquiétants.

Une lecture biblique énigmatique : Dieu, le mal et la création

Tout en haut une inscription latine qui renvoie au psaume 33 de la bible il parle et la chose existe il commande et elle paraît. Étranges propos laissant à entendre aux frontières du blasphème que le mal serait la volonté expresse du dieu créateur. Une fois ouvert le triptyque juxtapose trois épisodes la création du monde le jardin lui-même et l'enfer au-delà de toutes les interprétations qui ont été données des préceptes de la secte adamique à l'antisémitisme le thème de la luxure fortement nuancée de fautes morales s'y impose.

Le paradis et l'enfer : contraste pictural et symbolique

Le volet de gauche celui de la création du paradis se signale par une fraîcheur de palettes qui contraste curieusement avec la ténébreuse angoisse qui y sourd de tous ces motifs. Quant au volet de droite celui de l'enfer il image en vision de cauchemar l'aboutissement fatal de la course folle de l'humanité les regrets et les remords n'y ont plus cours. Seul demeure l'horreur de la punition sans fin illustré par les souffrances des damnés, cloués, crucifiés sur leurs instruments de musique au centre enfin le jardin.

La luxure au centre : symbolisme et critique religieuse

Théâtre de la cavalcade du stupre du carnaval de la débauche autour de la fontaine de jouvence Partout les scènes se multiplient dans un invraisemblable grouillement partout s'affirme le triomphe des perversités dénoncées par l'église. Au chapitre de ces dernières une homosexualité féminine compliquée de connotation raciale, les jeunes femmes de la mare centrale appartenant équitablement aux ethnies noires et blanches. Pour cette foule inconséquente en joie pas d'autre règle que celle du plaisir d'où cette nudité païenne qui est le fait de presque tous les protagonistes avec quelques surprenantes exceptions dont celle du jeune homme conversant dans le coin inférieur droit avec de jeunes beautés dévêtues ou juste à son côté mais plus discrète encore celle d'Adam enfermé avec Eve accoudée derrière de fragmentaires colonnes de verre.

Une vision chimérique : détails, symboles et décadence

Et dans ce climat de bacchanal fantastique on assiste à une troublante efflorescence de détails d'une finesse et d'une transparence chimérique à l'image de la mare des jeux avec ses marins pêcheurs, ses fruits, ses boules de verre translucides, ses eaux miroitantes, tous éléments illustrant la triple dimension catastrophique, méditative et surnaturelle de la vision. Du péché à la rédemption en accord avec la symbolique médiévale qui donne aux dieux créateurs les traits du fils c'est à Jésus qu'il revient de présenter Eve tout juste façonnée à Adam. Scène primordiale qui semble commander toute la logique du triptyque mais qui se lie surtout comme le prélude au malheur de la chute de l'homme.

Créatures inquiétantes et chute de l’homme

Ne voit-on pas surgit de la mare obscure cachée dans les ramures ténébreuses rampées, guettées, érodées d'inquiétantes créatures, animées d'intentions meurtrières. Le plus étrange reste presque la figure d'Adam étendue au sol dans la posture qui sera celle du Christ allongé et cloué sur la croix. Peut-être faut-il découvrir ici seul message d'espoir distillé par l'oeuvre, l'idée que le péché suppose la rédemption.

Le rat maléfique : symbole du remords

Le rat maléfique Sous la sphère transparente qui abrite le couple amoureux, un tube de verre ou de cristal mène à une lucarne dans laquelle s'encadre la tête d'un homme aux traits angoissé fixant un énorme rat qui se dirige vers lui. Au couple vivant l'illusion du bonheur érotique le peintre oppose ici la sordide réalité de l'homme enfermé dans son péché et assailli par le rat du remords. Là encore la symbolique semble très forte.

Allégorie alchimique et condition humaine

La sagesse alchimique appelant l'homme à affronter sa misère morale sans se réfugier dans les mirages dérisoires de l'accouplement physique. Dans toute la peinture occidentale on trouvera peu de visages retraçant de façon aussi dramatique la trajectoire douloureuse du témoin qui souffre d'une condition tragique contre laquelle il doit prendre acte de son impuissance traduite par son incarcération.

Le concert infernal : quand la musique devient châtiment

Le concert infernal oreille percée d'une flèche et séparée par un coutour pour n'avoir pas su entendre chorale de la dérision et du blasphème grotesquement déchiffré sur le fondement d'un damné.

Usage graveleux des instruments triviaux viols à roues, tambours, flûtes, dans le même temps que les instruments nobles, lutes, harpes, sont dévoyés transformés en outils de torture. Mais pourquoi cet enfer des musiciens sinon parce que la musique a oublié un pardonnable sacrilège de procéder à la seule louange de dieu, la domination de l'obscène cornemuse qui anime ce bal de lignoble est en ce sens révélatrice.

La mare de la luxure : érotisme, race et dualité alchimique

La mare de la luxure Dans la mare centrale de la luxure deux jeunes femmes respectivement blanches et noires échangent un baiser amoureux.

Une autre femme blanche est serrée de près par sa compagne noire sur la berge. Une autre encore semblante au prix d'une posture incongrue Offrir le plus intime de son anatomie à la main tendue et porteuse de la cerise d'une jeune baigneuse noire Mais d'une part ce principe d'accouplement n'est pas systématique puisque dans la partie supérieure du bain ce sont deux femmes blanches qui ouvrent les bras pour s'accoupler D'autre part comme toujours chez Jérôme Bosch la donnée érotique dissimule le message alchimique d'alliance de deux couleurs de l'oeuvre le blanc et le noir Je vous dis à bientôt pour de nouvelles balades artistiques .

Enregistrer un commentaire